Présentée par
M. Frédéric FALCON
Député
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France est entrée dans une crise du logement inédite. Dans les zones « tendues » - représentées par les grandes métropoles ‑, certaines zones littorales ou frontalières, l’offre de logements est insuffisante pour répondre à la demande des Français. L’offre locative, recherchée par les étudiants, les jeunes actifs, ou les ménages les plus modestes exclus du crédit et donc de l’accès à la propriété, est insatisfaisante.
I. – Le constat actuel avec la législation en vigueur
a) Un effondrement de la construction de logements neufs
M. Emmanuel Macron et son gouvernement ont considérablement durci les normes environnementales et fiscales pesant sur l’immobilier résidentiel neuf, secteur moteur de notre économie. Le Zéro artificialisation nette (ZAN) ([1]) raréfiant la disponibilité du foncier et la complexe Règlementation Énergétique (RE2020) ([2]), couplés à des contraintes conjoncturelles telles que la hausse des taux et l’inflation des prix des matières premières ou de l’énergie, contre lesquelles le gouvernement peine à réagir, rendent économiquement intenables les projets de promotion immobilière. Dans ce contexte dégradé, seules 370 000 mises en chantier ont été attendues en 2023, avec une chute anticipée de 25 % à 275 000 pour l’année 2024, soit le plancher le plus bas depuis 1992.
b) Une politique du logement aux ambitions réduites depuis 2017
La politique du logement est la grande oubliée de M. Emmanuel Macron. Les coupes successives portant sur le financement du logement (au moins 15 milliards de coupes budgétaires depuis 2017), la faiblesse des dispositifs fiscaux d’investissement (PTZ+, Pinel), la baisse des aides au logement ou encore la quasi‑suppression en 2018 de l’Aide Personnalisée au Logement pour l’accession à la propriété, achèvent l’effondrement de l’offre résidentielle. Cette politique désincitative s’inscrit dans une volonté de détourner les Français de l’investissement immobilier, en priorisant les valeurs mobilières, idéalisées par M. Emmanuel Macron. Le remplacement de l’impôt sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), ciblant les seuls propriétaires fonciers en excluant les valeurs mobilières de l’assiette imposable, témoigne une hostilité à peine voilée contre une France attachée à l’idée de propriété, alors que l’immobilier représente 62 % du patrimoine des ménages français ([3]).
c) Des mesures aux conséquences économiques et sociales lourdes
Le gouvernement sous‑estime les conséquences économiques et sociales de l’application brutale de telles mesures :
– Un retrait massif de logements du marché locatif ne répondant pas aux critères d’exigence énergétique, face aux difficultés économiques et techniques que représentent l’exécution des travaux ;
– Une politique qui décourage les propriétaires à sortir les logements de la vacance (3,1 millions de logements vides estimés) ;
– Un recul de l’offre locative aggravant la pénurie de logements, notamment dans les zones les plus « tendues » ;
– Des travaux d’isolation contraints par une réglementation stricte dans les centres anciens (Bâtiments de France, isolation par l’extérieur impossible, etc.) ;
– Un coût des travaux d’isolation alourdi par l’inflation du coût des matières premières et de l’énergie ;
– Une complexité renforcée pour les logements collectifs (copropriétés) ;
– Une crainte grandissante des banques à financer l’acquisition d’un logement présentant un DPE dégradé ;
– Une paupérisation des propriétaires de logements avec de tels DPE, exposés à une sévère décote de leurs biens ;
– Des logements mal isolés détenus par des Français majoritairement modestes, financièrement fragilisés par cette mesure et exposés à la convoitise d’opérateurs acquérant des biens décotés ;
– Des dispositifs d’aide insuffisants.
Après avoir sinistré le marché immobilier neuf, le parc ancien est désormais la cible d’une attaque sans précédent. La loi « climat et résilience » impose des travaux d’isolation lourds aux bailleurs, en interdisant progressivement à la location les logements jugés les plus énergivores. Depuis le 22 août 2022, les loyers des logements présentant un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé F et G ne peuvent faire l’objet d’une révision annuelle ([4]) (indice IRL) en dépit d’une inflation record. Depuis le 1er janvier 2023, sont interdits à la location les logements ne remplissant pas les critères de « décence énergétique », c’est‑à‑dire classés G+ ou consommant plus de 450 kWhEF/m²/an ([5]). À partir de 2025, seuls pourront être loués les logements au moins classés F, puis à partir de 2028 au moins E puis D en 2034 ([6]).
L’application de ces mesures s’appuie sur la définition des nouveaux critères de DPE. Instaurés en 2006 et initialement fondés sur la consommation d’énergie réelle du logement, réalisés à titre informatif et à destination de tout locataire ou acquéreur, les DPE sont désormais opposables, définis selon des critères d’isolation et le mode de chauffage. En outre, toute vente d’un logement classé F ou G implique l’exécution d’un « audit énergétique » obligatoire (dont le coût n’est pas règlementé) destiné à préconiser les travaux requis pour améliorer sa performance énergétique.
Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, dans un rapport de juillet 2022 ([7]), sur les 30 millions de résidences principales que compte la France au 1er janvier 2022 :
– 5 % du parc, environ 1,5 million de logements, seraient peu énergivores (étiquettes A et B du DPE) ;
- 17 % du parc, environ 5,2 millions de logements, seraient des « passoires énergétiques » (étiquettes F et G du DPE).
La date de construction du logement, sa taille, sa localisation, le caractère individuel ou collectif de l’habitat et le statut d’occupation figurent parmi les caractéristiques influant sur les performances énergétiques. La part de ces logements ne remplissant pas les critères de « décence énergétique » est plus élevée dans la catégorie des résidences secondaires (32 %, soit 1,2 million de logements) et dans les logements vacants (27 %, soit 0,8 million de logements) ce qui porte leur estimation à un total de 7,2 millions de logements sur l’ensemble du parc immobilier. De son côté, l’INSEE affirme ([8]) que, sans travaux de rénovation, près d’un logement sur deux ne sera plus accessible à la location en Île-de-France dans les prochaines années.
La fiabilité des DPE fait l’objet d’un débat au sein même de la profession des diagnostiqueurs. L’absence de formation solide, de contrôles et la faiblesse des sanctions laissent une profession livrée à elle‑même, alors que la note attribuée aux logements revêt un enjeu central dans la politique énergétique du gouvernement. Le Sénat s’est saisi de cette question lors de la commission d’enquête sur « l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique » ([9]) (présidée par la Sénatrice Dominique Estrosi‑Sassone), qui pointe les irrégularités et le manque d’impartialité de certains professionnels, ce que confirme l’audition du président de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier ([10]).
La commission d’enquête déplore également qu’il soit fait abstraction de l’intérêt patrimonial de certains bâtiments ne pouvant répondre aux normes énergétiques actuelles sans être dénaturés. Les petites surfaces, les logements situés au dernier étage d’un bâtiment collectif ou encore les anciennes maisons sont désavantagés face à des critères devenus aberrants.
Le 1er janvier 2023, l’Université de Cambridge ([11]) publiait une étude démontrant que les travaux d’isolation n’ont un impact qu’à très court terme sur les bâtiments anciens, leur efficience tendant à s’estomper dans le temps. Cette étude estime que les bénéfices d’une isolation deviennent nuls deux ans après des travaux d’isolation de combles, et quatre ans après une isolation par l’extérieur (ITE).
Dans la même perspective, la Cour des comptes ([12]) dresse un bilan mitigé de la politique de rénovation énergétique des logements anciens en France. La part des logements demeurant des « passoires thermiques » reste significative après travaux, le gain escompté est loin d’être satisfaisant eu égard aux objectifs ambitieux fixés par le gouvernement.
Cette proposition de loi vise à juguler les effets de la crise du logement à laquelle sont exposés les Français, en mettant fin aux contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative engendrées par la classification déterminée par un DPE.
Elle vise notamment à mettre un coup d’arrêt à la politique de dépossession d’Emmanuel Macron, idéologiquement hostile à la propriété immobilière, enracinée, qu’il oppose aux valeurs mobilières.
Cette proposition de loi souhaite amorcer une réflexion sur une politique de rénovation énergétique du parc de logements anciens, qui soit économiquement et socialement soutenable, en opposition à une écologie punitive sanctionnant systématiquement les Français les plus modestes.
II. – Les intérêts de cette proposition de loi
L’article unique supprime l’article 160 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
La levée de l’interdiction de location d’un logement présentant un DPE avec une note dégradée a vocation à améliorer l’offre dans un contexte de crise, notamment dans les zones « tendues », en fluidifiant le marché locatif et luttant contre la vacance locative.
Cette contrainte déprécie la valeur des logements classés de G+ à D qui trouvent difficilement preneurs, face aux réticenses des banques pour accorder des financements lors de l’acquisition d’un bien ne pouvant être mis en location. En outre, ces nouveaux critères de « décence énergétique » sont discutables, dans l’abstraction de critères de salubrité et la remise en cause du professionnalisme de certaines sociétés chargées de leur exécution.
L’édiction de normes énergétiques au parc ancien présente des contraintes techniques et économiques lourdes pour les propriétaires occupants ou les bailleurs, notamment les plus modestes, confrontés à des contraintes d’urbanisme et architecturales, lesquelles sont exacerbées dans les logements collectifs.
La loi « Climat et Résilience » impose un « audit énergétique » au vendeur d’un logement présentant un DPE classé F ou G. Ce rapport préconise les travaux à exécuter pour relever la notation du DPE, dont le coût reste à la charge du vendeur. Cet article vise à supprimer cette obligation qui représente une charge financière supplémentaire pour le vendeur et participe à la dépréciation du bien du propriétaire.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L’article 160 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est abrogé.