Plus on a de pouvoir, plus on est faible

Sébastien Chenu - Plus on a de pouvoir, plus on est faible - Valeurs actuelles

Ainsi peut-on déUnir ce qui n’est aucunement un nouveau gouvernement, mais un gouvernement remanié. Dirigés par M. Barnier, nommés par Emmanuel Macron, les trente-neuf ministres pourront disposer du pouvoir de décider, de réformer mais, en réalité, ils sont les plus faibles maillons de la chaîne démocratique de la Ve République.

Faibles car sans légitimité démocratique, élus par personne, rejetés par tous, ne représentant ni espoir ni attente populaire, battus à toutes les élections, ces minoritaires ne sont là que par la volonté d’un président décidé à contourner le suffrage universel.

Faibles car sans boussole. L’été dernier, les Républicains voulaient un contrat de législature sans participation gouvernementale, les voici participant au gouvernement sans contrat de législature ! Faibles aux mains d’appareils politiques, comme aux pires moments de la IVe République.

Les impétrants ne sont nommés ni en raison de leur compétence sur les sujets de leur responsabilité (on ne sait rien de ce que pense M. Migaud de la Justice, encore moins de ce qu’imagine Mme Genetet pour l’Éducation) ni en raison de leur poids politique (quand ils ont parfois été eux-mêmes directement battus aux élections, comme le ministre du Budget et des Comptes publics). Enfin, faibles car dominés politiquement et intellectuellement par un président qui n’a renoncé à rien, ni au “en même temps”, ni à la start-up nation, ni à la souveraineté européiste, ni à la déconstruction de l’État français.

Le ministre de l’Intérieur est lui-même fliqué par un garde des Sceaux aux logiques politiques opposées, tandis que la ministre de l’Agriculture devra composer avec un ministre des Affaires étrangères fédéraliste ! Parce qu’Emmanuel Macron n’a renoncé à rien, il ne laisse au gouvernement Barnier que l’illusion du pouvoir. Les Français ne sont pas dupes, ils ont compris que si, demain, il existe un budget, c’est parce que Marine Le Pen l’aura permis. Parce que Marine Le Pen aura pesé.

Forts des 11 millions d’électeurs réunis sous leur bannière, les députés Rassemblement national n’auraient donc pas le pouvoir effectif mais la force, celle qui permet de déclencher les guerres et les paix. Alors oui, ce gouvernement est sous surveillance, sous l’ « exigence » du Rassemblement national. Et nous allons vite mesurer qui, de Michel Barnier ou d’Emmanuel Macron, acceptera d’être notre véritable interlocuteur. Celui qui a renoncé ou celui qui s’obstine ? Dans tous les cas, ces deux piliers d’un même système, pétris de certitudes mais sans conviction aucune, ont déjà perdu.