Perte de souveraineté alimentaire de la France

PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Présentée par

M. Grégoire de Fournas

Député

EXPOSÉ DES MOTIFS

« L’agriculture est la base et la force de la prospérité du pays.
L’industrie est l’aisance, le bonheur de la population ».

Napoléon Bonaparte

Mesdames, Messieurs,

La souveraineté alimentaire pourrait se définir comme la capacité d’un État à définir lui‑même une stratégie agricole qui lui permette de déterminer son degré d’autonomie alimentaire pour fournir une alimentation de qualité à sa population, tout en garantissant sa sécurité alimentaire.

Acquise dans les années 1960 au cœur des Trente Glorieuses, la souveraineté alimentaire française est aujourd’hui dans un processus de déclin constant. Ancienne championne agricole, la France a été rétrogradée de deuxième à cinquième exportatrice mondiale en seulement 20 ans. Son solde commercial a par ailleurs chuté́ de 12 à 8 milliards d’euros entre 2011 et 2021.

Sa dépendance croissante aux importations a été une fois de plus mise en lumière dans le contexte de la guerre en Ukraine qui a généré des pénuries alimentaires indignes du niveau de développement revendiqué par la France. Cette conjoncture est étroitement liée à la perte de souveraineté énergétique, tout aussi grave et lourde de conséquences, et qui vient d’ailleurs de faire l’objet d’une commission d’enquête. Le point commun entre ces deux affaissements nationaux ? Un abandon politique délibéré de deux des atouts stratégiques majeurs de la France : sa production agricole et son parc nucléaire.

Le conflit ukrainien a également rappelé combien la force exportatrice d’un pays représente à la fois un atout stratégique indéniable mais aussi une arme politique redoutable. La compétition internationale sur les produits agricoles s’est ainsi renforcée, certaines puissances ayant utilisé leur avantage productif sur certaines denrées essentielles pour faire pression politiquement. D’autres nations ont par ailleurs fait le choix très clair d’investir massivement dans le secteur agro‑alimentaire comme la Suisse.

Empilant des normes toujours plus nombreuses et contraignantes, souvent inapplicables et contradictoires, la France en arrive à importer des produits agricoles ne les respectant pas, créant alors un dumping sanitaire, social et environnemental. Selon les données de 2020 du Centre technique interprofessionnel (CTIFL), le taux d’auto‑approvisionnement de la France est de 61,3 % pour les légumes, 39,5 % pour les fruits, et a perdu 14 points entre 2000 et 2020. Dans le cas de la volaille, les importations représentaient 45 % en 2021 contre 25 % en 2000 selon FranceAgriMer.

Cette augmentation croissante des importations entraîne des effets en cascade dans les départements d’outre‑mer, la sécurité alimentaire y étant de plus en plus menacée du fait d’une dépendance quasi‑totale aux importations, en provenance de la Métropole pour la majeure partie : entre 49 % et 72 % des produits importés proviennent de métropole dans les DROM. En effet, la capacité de production agricole est extrêmement faible du fait des spécificités géographiques des territoires (reliefs, zones boisées, petits territoires insulaires où les densités de population sont très importantes) ainsi que la part importante de cultures à destination de l’export (bananes, noix de coco, cacao).

Ce recours aux importations génère une distorsion de concurrence qui explique en partie la situation catastrophique du monde agricole français, également touché par le vieillissement de sa population et l’incapacité à renouveler les générations : 100 000 exploitations agricoles ont disparu entre 2010 et 2020, en Martinique 5 000 exploitations ont disparu depuis l’année 2000 sur les 8 000 qu’elle comptait. Enfin, d’autres facteurs cruciaux pénalisent la compétitivité du secteur agro‑alimentaire français par rapport à ses concurrents étrangers : le coût du travail, l’un des plus élevés d’Europe, ainsi que l’inflation actuelle, notamment sur les matières premières.

Aussi, la surtransposition des directives communautaires nuit considérablement à nos filières agricoles. Les dernières décisions de l’Anses sur l’interdiction de certains produits phytopharmaceutiques ont en outre largement pénalisé la filière en considérant uniquement les risques d’un produit et non la balance bénéfice/risque essentielle pour notre filière agricole.

Enfin, l’impossibilité de la mise en place d’un étiquetage clair sur la provenance d’une denrée alimentaire, porte largement préjudice à notre agriculture. Les consommateurs français ne peuvent actuellement choisir en connaissance de cause les produits qu’ils achètent.

Cette proposition de résolution demande ainsi la création d’une commission d’enquête visant à établir clairement les raisons de la perte de la souveraineté alimentaire de la France en vue de retrouver celle‑ci le plus rapidement possible.

Elle pourra ainsi analyser en profondeur les causes et fondements de la succession des choix politiques posés depuis vingt ans ayant progressivement désagrégé les filières agricoles françaises, alors que revient aujourd’hui au centre du débat ce besoin de souveraineté alimentaire, comme avant lui celui, énergétique, qui a lui‑même conduit à la tenue d’une commission d’enquête récente.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête, composée de trente députés. Cette commission sera chargée d’établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France ces vingt dernières années.

Enquêter sur la perte de souveraineté alimentaire de la France, on vous donne la parole !

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