Le groupe RN de l’Assemblée nationale somme le Gouvernement de saisir la CJUE afin de constater que la « relocalisation » prévue sur le pacte sur la migration et l'asile est contraire aux traités.
Utilisant tous les moyens juridiques à sa disposition, les députés du Rassemblement national saisissent la Cour de Justice l’Union Européenne pour contester l’application du pacte sur la migration et l'asile en France.
Une procédure inédite
Ce recours via une procédure utilisée pour la première fois en France, et sans doute en Europe, repose sur l’article 88-6 de notre Constitution[1] et le premier alinéa de l’article 8 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité[2] découlant de l’article 69 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE)[3].
En application de l’article 151-11 du règlement de l’Assemblée nationale[4], la présidente du groupe RN demande ainsi à la présidente de l’Assemblée de transmettre au Gouvernement cette saisine de la CJUE pour vérifier l’application du principe de subsidiarité, que le Gouvernement a l’obligation de faire suivre dans les plus brefs délais.
Notre recours se fonde sur le principe de subsidiarité, conçu pour empêcher l’Union européenne d’outrepasser ses compétences au-delà des traités.
Un règlement déjà largement critiqué
Le 10 avril le Parlement européen a adopté le Pacte sur la migration et l’asile. Mais dès le 15 mai dernier, les ministres de l’Intérieur de quinze États membres (donc plus de la moitié) demandaient de nouvelles solutions pour prévenir la migration irrégulière vers l’UE, notamment de « prévenir et à combattre les migrations irrégulières » et de « favoriser le retour et la réintégration ».
Un règlement contraire au principe de subsidiarité
Le pacte sur la migration et l’asile instaure une procédure de relocalisation des migrants qui sont entrés illégalement sur le territoire de l’UE dans le but manifeste d’obtenir un droit au séjour sur le territoire des États membres.
Si les traités évoquent la protection des frontières extérieures de l’UE, les statuts et procédures d’asile, les partenariats avec des pays tiers pour gérer les flux de migrants ou encore des mesures d’éloignement et de rapatriement des « clandestins », ils ne comportent aucun système de relocalisation des migrants qui serait imposé aux États membres par la Commission européenne.
Le mécanisme de « relocalisation » institué par le règlement contesté est de nature à empêcher les États membres d’assurer leurs « fonctions essentielles »au sens de l’article 4 du Traité sur l’Union européenne notamment le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité nationale – cette dernière compétence demeurant « de la seule responsabilité de chaque État membre »ainsi que le stipule expressément ce Traité.
En effet, le potentiel afflux massif de milliers de personnes « relocalisées »soumettra l’État « contributeur » (celui qui est contraint d’accueillir) au bon vouloir de l’État « bénéficiaire » (pays activant le mécanisme de relocalisation) qui lui transmettra, sans aucune garantie quant au caractère sérieux de l’examen préalable des situations individuelles, une liste de personnes à relocaliser. L’État « contributeur » sera alors dans l’obligation d’examiner les dossiers sans possibilité de traiter raisonnablement les informations transmises et ce, dans un délai très bref. Le règlement reconnaît ainsi lui-même que des circonstances exceptionnelles peuvent lourdement obérer la capacité de l’État« contributeur » à traiter ces demandes.
Enfin, « la part de la contribution de solidarité » (participation des États membres à ce mécanisme de relocalisation lorsqu’ils ne souhaitent pas accueillir sur leur sol des migrants) est calculée en prenant en compte « le PIB total » ainsi que « la taille de la population ». Cette contribution est estimée a minima à « 30 000 [migrants] pour les relocalisations » et à « 600 millions pour les contributions financières », soit 20 000 € par migrant refusé.
Enfin ce règlement a été pris sans la moindre démonstration de son utilité. Rien ne permet d’indiquer que les États membres n’auraient pas été en mesure, seuls ou en coopération et de manière plus efficace que l’Union, de gérer eux-mêmes les problèmes engendrés par l’arrivée massive de demandeurs de la protection internationale.
Le dispositif de « relocalisation », qui n’est pas prévu par le titre V du TFUE, excède donc les compétences des institutions de l’Union et méconnait par lui-même le principe de subsidiarité tel qu’il est défini, consacré et garanti par les articles 4 et 5 précités du Traité sur l’Union européenne.
[1] « Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement. […] À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »
[2] « La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation, par un acte législatif européen, du principe de subsidiarité formés, conformément aux modalités prévues à l'article III-365 de la Constitution, par un État membre ou transmis par celui-ci conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui‑ci. »
[3] « Les parlements nationaux veillent, à l'égard des propositions et initiatives législatives présentées dans le cadre des chapitres 4 et 5, au respect du principe de subsidiarité, conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. »
[4]« Le Président de l’Assemblée transmet au Gouvernement, aux fins de saisine de la Cour de justice de Union européenne, tout recours contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité formé, dans les deux mois qui suivent la publication de l’acte, par au moins soixante députés. Le cas échéant, l’examen des propositions de résolution portant sur le même acte législatif est interrompu. »