PROPOSITION DE LOI
Présentée par
M. Yoann Gillet
Député
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans le préambule de la Convention‑cadre de l’OMS pour la lutte antitabac du 21 mai 2003, les États signataires, au premier rang desquels la France, reconnaissent qu’une action concertée est nécessaire pour éliminer toutes formes de commerce illicite des cigarettes et autres produits du tabac, y compris la contrebande, la fabrication illégale et la contrefaçon.
Les 23 500 buralistes français sont les premières victimes des infractions en lien avec le trafic illicite du tabac.
Leur activité nécessite une véritable protection contre ce marché parallèle qui fausse gravement la concurrence à leur détriment.
Il convient de souligner que l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, ainsi que Santé publique France, estiment que ce marché parallèle constitue entre 15 % et 25 % du volume total des cigarettes consommées en France. En matière de contrebande de tabac, les chiffres fournis par les services douaniers français mettent en lumière des tendances lourdes : en 2020, 284,5 tonnes ont été saisies, en 2021, 402 tonnes et en 2022, plus de 600 tonnes.
Ce phénomène s’explique par une conjonction de plusieurs facteurs :
– une hausse constante du prix du tabac en France où le prix moyen du paquet de cigarettes s’élève à 9,70 euros, quand il atteint tout juste 4,50 euros en Espagne ;
– les moyens techniques très importants mis en œuvre par les trafiquants de tabac au service de leurs activités illicites ;
– les moyens insuffisants de la police et une réponse pénale inadaptée pour prévenir et sanctionner ces infractions.
La situation est telle que M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, a affirmé publiquement lors du Congrès des buralistes de France des 20 et 21 octobre 2022, vouloir s’attaquer à la contrebande du tabac.
Le 16 décembre 2022 sur France Info, il a indiqué : « (…) il faut donc agir par respect pour les buralistes et leur permettre de tenir », en précisant réfléchir à un « renforcement des sanctions ».
La présente proposition de loi vient donc répondre à une problématique reconnue de tous, y compris du Gouvernement, qui est celle de lutter plus efficacement contre le trafic illicite de tabac.
Elle s’articule autour d’un double volet :
– un volet préventif qui organise ou renforce des mesures de fermeture administrative à l’encontre des établissements qui se livrent à ce type de trafics (articles 1 à 3) ;
– un volet répressif qui augmente les peines et les sanctions prévues à cet égard (articles 4 à 8).
L’article 1er crée une mesure de fermeture administrative spécifique aux établissements proposant à la vente des tabacs manufacturés recelés.
L’article 2 instaure une sanction pénale en cas de non‑respect de cette mesure de fermeture administrative.
L’article 3 allonge la durée au titre de laquelle la mesure de fermeture administrative prévue par l’article 1825 du code général des impôts, en cas notamment de méconnaissance du monopole de l’État sur la vente des tabacs manufacturés, peut être prononcée.
L’article 4 introduit une nouvelle circonstance aggravante pour les infractions de vol et de recel lorsque les faits portent sur des tabacs manufacturés.
L’article 5 aggrave les peines encourues en cas de vente à la sauvette, et en cas de vente à la sauvette accompagnée de voies de fait, de menaces ou commise en réunion, qui portent trop souvent sur des produits du tabac manufacturé. Il prévoit en outre que le tribunal peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français lorsque la personne condamnée est de nationalité étrangère.
L’article 6 aggrave les sanctions fiscales prévues au titre des faits de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac.
L’article 7 renforce les sanctions prévues pour tout fait de contrebande ainsi que pour tout fait d’importation ou d’exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent aux produits du tabac manufacturé.
Enfin, l’article 8 précise le champ d’application des peines prévues au titre, notamment, de la vente de marchandises dangereuses pour la santé et présentées sous une marque contrefaisante, en renvoyant expressément aux produits du tabac manufacturé.
PROPOSITION DE LOI
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FERMETURE ADMINISTRATIVE DES ÉTABLISSEMENTS VENDANT DU TABAC DANS DES CONDITIONS ILLICITES
Le titre III du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Établissements proposant à la vente des tabacs manufacturés
« Art. L. 335‑1. – Les établissements fixes ou mobiles proposant à la vente des tabacs manufacturés dans des conditions correspondant à l’infraction définie à l’article 321‑1 du code pénal, peuvent faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative d’une durée n’excédant pas six mois par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police.
« Au vu des circonstances locales, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut déléguer par arrêté à un maire qui en fait la demande, l’exercice, sur le territoire de la commune, des prérogatives mentionnées au premier alinéa. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre fin à cette délégation, dans les mêmes conditions, à la demande du maire ou à son initiative.
« Les prérogatives déléguées au maire en application du deuxième alinéa sont exercées au nom et pour le compte de l’État. Le maire transmet au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, dans un délai de trois jours à compter de leur signature, les arrêtés de fermeture qu’il prend au titre de ces prérogatives. Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut ordonner la fermeture administrative d’un établissement, après une mise en demeure du maire restée sans résultat.
« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, ou le maire en cas de délégation, informe systématiquement les comités opérationnels départementaux anti‑fraude dans le cadre de leur mission de lutte contre toutes les fraudes, des mesures de fermetures mentionnées au premier alinéa. »
Le chapitre IV du titre III du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 334‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 334‑3. – Le fait, pour le propriétaire ou l’exploitant, malgré une mise en demeure du représentant de l’État dans le département, ou, à Paris, du préfet de police, d’avoir à se conformer à l’arrêté pris en application de l’article L. 335‑1, de ne pas procéder à la fermeture de l’établissement est puni de 3 750 euros d’amende. »
À la première phrase de l’article 1825 du code général des impôts, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».
DISPOSITIONS RENFORCANT LES PEINES ET LES SANCTIONS FISCALES EN CAS DE TRAFIC ILLICITE DE TABAC
Dispositions relatives au vol et au recel de produits du tabac manufacturé
Le livre III du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 12° de l’article 311‑4 du code pénal, il est inséré un 13° ainsi rédigé :
« 13° Lorsqu’il porte sur des produits du tabac manufacturé. » ;
2° L’article 321‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine est portée à sept ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende lorsque le recel porte sur des produits du tabac manufacturé. »
Dispositions relatives à la vente à la sauvette
Le chapitre VI du titre IV du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article 446‑1, les mots : « six mois d’emprisonnement et de 3 750 € » sont remplacés par les mots : « un an d’emprisonnement et de 5 000 € » ;
2° Au premier alinéa de l’article 446‑2, les mots : « un an d’emprisonnement et à 15 000 € » sont remplacés par les mots : « deux ans d’emprisonnement et à 30 000 € » ;
3° Après l’article 446‑3, il est inséré un article 446‑3‑1 ainsi rédigé :
« Art. 446‑3‑1. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131‑30 pour une durée de deux ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable des délits prévus aux articles 446‑1 et 446‑2. »
Dispositions relatives aux sanctions fiscales applicables à la fabrication, la détention, la vente ou le transport illicites de tabac
L’article 1791 ter du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « 2 000 € à 10 000 € », sont remplacés par les mots : « 5 000 € à 15 000 € » ;
2° Au troisième alinéa, la seconde occurrence du mot : « une » est remplacée par le mot : « trois ».
Dispositions relatives aux délits douaniers
Le premier alinéa de l’article 414 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;
2° Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
Dispositions relatives à la commercialisation des produits du tabac sous une marque contrefaisante
Au dernier alinéa de l’article L. 716‑9 du code de la propriété intellectuelle, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « , notamment lorsqu’il s’agit de produits du tabac manufacturé, ou pour ».