Favoriser le cumul emploi-retraite des médecins et infirmiers

Présentée par

M. Matthias RENAULT

Député

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La désertification médicale, soit le faible accès effectif qu’ont les patients à des soignants, concerne aujourd’hui 87 % du territoire, en particulier dans les territoires ruraux. L’Académie française de médecine estime, dans un rapport de 2023, que 30 % de la population française vit dans un désert médical.

Or, la demande de soins de premier recours augmente sous l’effet de la croissance démographique, du vieillissement et des progrès induits par les techniques médicales.

Selon les chiffres publiés en 2023 par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), l’accessibilité moyenne aux médecins généralistes s’établit en 2022 à 3,3 consultations par an et par habitant. Elle était de 3,4 consultations par an et par habitant en 2021, et 3,8 en 2015. ([1])

L’offre de soins connaît donc une baisse tendancielle, en particulier pour les médecins généralistes, les pharmaciens et les chirurgiens‑dentistes. Selon un récent rapport de la Cour des comptes (« Organisation territoriale des soins de premier recours », mai  2024), le nombre de médecins généralistes libéraux est passé, de 2012 à 2022, de 64 000 à 57 000. L’Académie française de médecine estime que le nombre de médecins généralistes en activité diminue de 1 % chaque année.

Par ailleurs, au sein de cette offre globale, les différences de densité de médecins entre territoires sont structurellement sensibles, et se sont aggravées ces dernières années. La DREES estime en 2023 que les 10 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes ont accès en moyenne à 5,7 consultations par an tandis que les 10 % de la population les moins bien dotés ont accès en moyenne à 1,5 consultations par an : l’accessibilité des premiers est ainsi 3,9 fois supérieure à celle des seconds. Ce rapport augmente de 4 % entre 2021 et 2022, ce qui témoigne d’inégalités croissantes d’accessibilité aux médecins généralistes.

Comme le montrent les cartes suivantes, la densité du nombre de médecins omnipraticiens a fortement diminué dans une part très importante des départements, en particulier ruraux.

Source : Rapport Cour des comptes, 2024, L’organisation territorial des soins de premier recours

Source : Rapport 2023, Académie française de médecine, Les zones sousdenses, dites « déserts médicaux », en France États des lieux et propositions concrètes

Ces tensions entre demande et offre de soins, inégale selon les territoires, se traduisent concrètement par de grandes difficultés à obtenir des rendez‑vous. Une vaste étude de l’Institut des Politiques Publiques réalisée en mai 2023 a ainsi montré qu’un patient a moins d’une chance sur deux d’obtenir un rendez‑vous quand il contacte un médecin généraliste.

Si les maisons de santé pluriprofessionnelles ou centres de santé médicaux et polyvalents restent des outils intéressants, la suppression, trop tardive, du numerus clausus, ne permettra pas de pallier le décalage entre demande et offre de soins dans les déserts médicaux.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi vise à encourager le dispositif de cumul emploi‑retraites pour les professionnels de santé libéraux. Ce dispositif connaît d’ores‑et‑déjà un relatif succès.

Au 1er janvier 2024, selon dernières statistiques de la Caisse nationale autonome de retraite des médecins de France (Carmf), 13 500 praticiens libéraux étaient en cumul emploi‑retraite en France, soit 10,9 % des praticiens en activité et 14,8 % des médecins retraités. Ce chiffre est en augmentation, puisque ce dispositif était inexistant avant 2004, et concernait 8 000 médecins en 2014.

Le nombre de médecins à la retraite cumulant leur emploi, relativement stable depuis 2018 (autour de 12 000), a connu un léger regain, probablement en raison de la suppression des cotisations Carmf en 2023. Si les motivations des médecins cumulant leur activité peuvent naturellement relever de la passion du métier ou de l’attente d’un successeur, l’effet incitatif du complément de revenu pour la retraite est également présent.

Le revenu moyen annuel d’un médecin à la retraite est de 133 000 euros environ en 2024 (source : étude DREES 2018, avec taux de croissance des revenus de 1,5 %). Leur impôt sur le revenu peut donc être estimé à 33 300 euros.

Le dispositif de cumul emploi‑retraite pour les infirmières libérales, existant mais moins incitatif, pourrait être aligné sur celui des médecins généralistes libéraux, tant l’activité des infirmières soulage, pour des actes médicaux simples, celle des médecins généralistes.

Le rapport 2023 de l’Académie française de médecine dédié aux déserts médicaux préconise « la mise en place de mesures favorisant le cumul emploiretraite des médecins récemment retraités ».

La présente proposition de loi vise ainsi (article 1er) à exonérer d’impôts sur le revenu les revenus des médecins généralistes relevant de la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), et des infirmières relevant de la caisse autonome retraite prévoyance (Carpimko), lorsqu’ils entrent dans le champ du cumul emploi‑retraite.

L’article porte le gage pour perte de recettes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 81 du code général des impôts est complété par un 40° ainsi rédigé :

« 40° Les revenus procurés par une activité relevant du régime d’assurance vieillesse des professions libérales et mentionnés à l’article L. 643‑6 du code de la sécurité sociale. Le montant de l’affranchissement n’est pas déduit du montant de l’assiette mentionnée à l’article L. 131‑6 du même code. »

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Favoriser le cumul emploi-retraite des médecins, on vous donne la parole !

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