PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Présentée par
Mme Marine Le Pen
Député
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« La liberté de la presse est garante de la vie démocratique. L’accès à une information libre et transparente, permettant le débat, est clé en cette période. Je salue les journalistes qui, de par le monde, assurent ce travail essentiel dans des conditions parfois difficiles ». Ainsi s’exprimait Emmanuel Macron, le 3 mai 2020.
Pourtant, le 3 juillet 2023, Julian Assange, l’un des plus grands défenseurs de la liberté de la presse, fêtait ses 52 ans emprisonné au sein de l’établissement pénitentiaire de Belmarsh en Grande‑Bretagne, après plus d’une décennie en détention arbitraire.
Fondateur de Wikileaks, Julian Assange s’est révélé être l’un des plus grands lanceurs d’alerte de ce XXIe siècle. Il a notamment révélé aux Français l’espionnage de nos Présidents de la République par nos partenaires américains. En conséquence, M. Assange subit privation de liberté et acharnement politique depuis plus d’une décennie de la part des États‑Unis d’Amérique.
Aujourd’hui, l’administration Biden maintient une pression sur le Royaume‑Uni en vue d’une extradition aux États‑Unis où il risque plus de 175 années de détention pour avoir fait son travail de journaliste, garantissant une information libre, transparente et garante de la vie démocratique. Au‑delà de ce risque d’une peine incommensurable, l’état de santé de M. Assange est extrêmement préoccupant. Lors de son audience, les médecins qui se sont succédé à la barre ont tous confirmé qu’une telle extradition augmenterait considérablement les risques de suicide. Selon eux, M. Assange souffre de troubles autistiques, d’une sévère dépression, d’hallucinations voire de troubles de la mémoire.
La France s’honorerait à accueillir un véritable réfugié politique de cette envergure.
En février 2020, Eric Dupont‑Moretti qui deviendra garde des Sceaux, soulignait les services rendus de Monsieur Assange à la France : « On va tout de même rappeler ce qu’il a permis de révéler. Il a permis de révéler en France que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient été espionnés par les Américains, ça n’est pas rien. Il a également permis de révéler également que Pierre Moscovici et François Baroin, deux ministres français de l’économie, avaient fait l’objet d’une opération d’espionnage économique conduite par les États‑Unis ».
La réalité est plus grave encore. Wikileaks a prouvé que nos alliés américains se sont livrés à un espionnage économique massif de la France sur plus d’une centaine d’entreprises françaises publiques et privées, orchestré au plus haut niveau de l’État américain. Technologies de l’information, électricité, gaz ou pétrole, le but de l’agence américaine NSA était très clair : « rapporter toute proposition de contrat français concernant des ventes ou des investissements internationaux dans des projets d’envergure ».
Malgré ces services rendus à notre patrie, à son indépendance et à sa souveraineté, la France reste toujours muette quant au sort réservé à Monsieur Julian Assange.
Ailleurs dans le monde, plusieurs personnalités et institutions s’expriment à propos de la libération d’Assange.
Le 25 août 2022, Michelle Bachelet, la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé son inquiétude sur les risques que représenterait l’extradition de Julian Assange, dans la même ligne que le rapporteur spécial de l’ONU ou de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : « L’éventuelle extradition de Monsieur Assange et les éventuelles poursuites à son encontre suscitent des préoccupations concernant la liberté de la presse et de possibles effets paralysants pour le journalisme d’investigation et les activités des lanceurs d’alerte ».
En juin 2023, devant l’imminence d’une extradition du ressortissant australien vers les États‑Unis, l’Australie d’habitude discrète sur le sujet, a exprimé elle aussi, à l’unanimité des forces politiques, l’arrêt de cette procédure sans fin et le souhait de trouver une solution rapide pour Julian Assange. Pour la première fois depuis dix ans, l’opposition a rejoint l’opinion du gouvernement, en indiquant que la situation subie par Julian Assange durait depuis « trop longtemps ». Une déclaration qui rime avec celle du Premier Ministre australien, Anthony Albanese, selon laquelle « les gens auront des opinions différentes sur les actions de Julian Assange mais cela n’empêche pas de conclure qu’assez, c’est assez ! ».
Et pour cause, le 6 juin 2023, la Haute Cour britannique a rejeté les huit motifs de l’appel d’Assange contre l’ordonnance d’extradition des États‑Unis refusant d’entendre son appel sur une affaire aussi fondamentale pour la liberté de la presse.
Face à la situation du lanceur d’alerte, détenu sans condamnation, souffrant de problèmes de santé, et considérant les positions onusiennes et européennes, tout comme l’appel des autorités australiennes à trouver une solution, la France ne peut rester silencieuse et absente.
L’extradition de Julian Assange vers les États‑Unis serait une décision indigne. La France s’honorerait d’entrer en contact avec les autorités britanniques afin de trouver une solution permettant l’octroi de l’asile à Julian Assange en France.
Ainsi, nous, représentants de la Nation, réclamons que le droit d’asile soit accordé à Julian Assange.
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ;
Vu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;
Rappelant les propos du Président de la République le 3 mai 2020 : « La liberté de la presse est garante de la vie démocratique. L’accès à une information libre et transparente, permettant le débat, est clé en cette période. Je salue les journalistes qui, de par le monde, assurent ce travail essentiel dans des conditions parfois difficiles » ;
Rappelant les propos d’Éric Dupont‑Moretti en février 2020 : « Les 175 ans de prison qu’on lui promet aux États‑Unis, c’est une peine indigne, insupportable et contraire à l’idée que l’on peut tous se faire des droits de l’homme » ;
Considérant le service rendu au monde et à la France à travers les révélations de Wikileaks sur les agissements illégaux contraires aux droits de l’homme des États‑Unis d’Amérique dans son invasion et son occupation de l’Irak à laquelle la France s’était opposée au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies le 10 février 2003 ;
Rappelant les propos du Président de la République selon laquelle « la France est et restera une terre d’accueil pour les défenseurs des droits de l’homme » le 29 janvier 2023 ;
Considérant le service rendu à la Nation et au peuple français en révélant l’espionnage de présidents de la République, de ses ministres de l’économie, de ses diplomates ou de centaines d’entreprises françaises par son allié américain ;
Considérant l’appel de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions internationales pour sa libération ;
Considérant l’appel du Gouvernement australien appelant à la recherche d’une solution pour Julian Assange ;
Considérant la demande du 31 mai 2019 du rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur la torture : « Julian Assange présente tous les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique (…) il doit être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus, la persécution collective et l’arbitraire auxquels il a été exposé » ;
Considérant la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n° 2317 du 28 janvier 2020 énoncée à l’égard des États membres, « Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe » ; qu’ils doivent notamment : « reconnaître et garantir le respect du droit des journalistes de protéger leurs sources, et concevoir un cadre normatif, judiciaire et institutionnel adéquat pour protéger les lanceurs d’alerte et les facilitateurs d’alerte, conformément à la Résolution 2300 (2019) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe « Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe » ; et, « à cet égard, considérer que la détention et les poursuites pénales contre M. Julian Assange constituent un dangereux précédent pour les journalistes et se joindre à la recommandation du Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui a déclaré, le 1er novembre 2019, que l’extradition de M. Assange vers les États‑Unis devait être interdite et qu’il devait être libéré sans délai »
Considérant l’expression des inquiétudes exprimées le 25 août 2022 par Michelle Bachelet, Haut‑commissaire aux Nations unies pour les droits de l’homme sur les conséquences que représenterait l’extradition de Julian Assange pour la liberté de la presse et le journalisme d’investigation ;
Invite le Gouvernement à entamer un dialogue diplomatique avec les autorités britanniques en vue d’un transfert de Julian Assange sur le territoire de la République Française ;
Invite le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange.